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Les voies romaines

Les romains dont il existe de très nombreuses traces dans la région, arrivèrent avec leurs techniques et leur savoir en 118 avant J.C., date à laquelle nous sommes annexé à la Gaulle narbonnaise. C'est sans trop de résistance qu'ils purent s'implanter. Plusieurs voies romaines traversent notre commune. Un petit historique s'impose pour comprendre l'évolution et la grande importance de ces routes qui étaient le lien de l'Espagne et de l'Afrique, avec l'Europe.

Une route préromane construite avant la deuxième guerre punique (IIe siècle avant J.C.) à partir de chemin déjà existant, passait par Château Roussillon et par Elne en suivant le bord de mer. Cette voie (tracé de la Domitienne ) traversait le hameau de Saleilles (Cartulaire d'Elne, Bibliothèque nationale, collection Moreau, volume V folio 6) près duquel elle franchissait le Réart, puis passait à Théza, et à partir de Corneilla del vercol allait sur Elne en suivant une direction parallèle à celle de la voie ferrée. La station de Stabulum se trouvait, dit-on, au voisinage de la gare d'Elne ; de là, passant par Ortaffa et Brouilla, elle arrivait au Boulou avant de partir sur le Perthus.

Les Romains l'élargiront pour la rendre carrossable, et elle devient le "chemin d'Hercule" par lequel les armées d'Hannibal et d'Asdrubal pénétreront en Gaule. Titelive raconte, en 218 avant J.C., qu'Hannibal campa, avec le gros de son armée, devant Elne et alla monnayer son passage à Ruscino. Il traversa donc nos terres, avec interdiction aux soldats de pénétrer dans les villes. En 121 avant J.C., Cneus Domitius Ahenobarbus, général de la République Romaine, proconsul de la province Narbonnaise, prolonge cette voie qui s'arrête au Rhône et permettra d'aller des Pyrénées jusqu'à Rome. Elle sera prolongée en Provence par la voie "Aurélia". Construite en -118, elle prendra le nom de "voie Domitienne", nom qui désigne l'ensemble du réseau de Cadix en Espagne jusqu'à Rome en Italie. Elle sera pavée de dalles scellées avec un ciment et aura trois mètres de large. Route internationale, postale, commerciale et stratégique, la "via Domitia" connaissait une forte circulation. Au fil des années, de nombreux chemins secondaires s'y raccordèrent.

Une route (principales voies romaines ) bifurquera légèrement pour passer à l'est de Saleilles et de Saint Martin de Boaca pour aller vers Collioure et Port Vendres. Une seconde route partira par Cabestany et Villeneuve de la Raho pour aller directement sur le Boulou et le Perthus. Le tronçon Elne - Le Boulou deviendra une transversale entre les deux tracés. Surnommée la voie du Conflent, une route qui commence à Elne traverse Villaseca (Montescot), se dirige vers Nils et part vers le col de la Perche via Marquixanes. Il semblerait que le carrefour d'où part cette route, soit situé à l'est de l'oppidium d'Illibéris, emplacement actuel près de La Tour bas Elne. La voie du Vallespir va de Collioure à Céret via Saint André et Saint Génis des Fontaines. Au début du IXe, sous le règne de Charlemagne le réseau routier fut repris, parfois légèrement modifié, utilisant souvent la voie romaine "Domitienne". La voie qui passe à Saleilles et va vers Port vendres prendra le nom de "Carrera de Carles Magnes ou carlemagne". Lors de la francisation de la région, elle sera appelée chemin de Charlemagne.

De même, sur le territoire de Saleilles, nous retrouvons d'autres tracés de route de l'époque romaine : la route "d'en battu", route partant de Cabestany vers le Réart, ainsi qu'une voie passant par le mas Couret évitant Elne pour aller sur le Perthus qui a été crée bien plus tard. La population quittant le bord de mer, la disparition des forêts, l'aménagement de nouveaux chemins et ponts, ont fait délaisser peu à peu certaines grandes routes au profit d'autres, réduisant les distances.

Ce fut cinq siècles de paix et de tranquillité où l'on notera en -49 le passage de César sur notre territoire, pour se rendre en Espagne. Au IIIe siècle, le christianisme est clandestin et ne devient officiel qu'au IVe siècle par l'empereur romain Constantin, celui là même qui donnera le nom d'Eléna à Illibéris en souvenir de sa mère transformé en Elne plus tard. Ruscino, qui sera depuis -118 la capitale roussillonnaise et centre administratif de Rome, laissera à partir du milieu du IVe siècle sa place à Elne, ou se fonde un évêché en 568, créé par Lliuva. Six siècles après sa construction, la voie Domitienne est en excellent état et est très utilisée au Haut moyen âge. Notre territoire fut jusqu'au IVe siècle un des axes les plus fréquentés, menant en Espagne. C'est pendant le XIVe siècle que les dalles pavant les voies seront enlevées, pour éviter les sièges des villes par le passage des machines de guerre des grandes compagnies.


La villa romaine

Non loin de cette route, nous avons découvert les traces d'une construction romaine. Tuiles et débris de poterie jonchaient le sol. Le propriétaire du terrain nous raconta que son père, au début du siècle, en défonçant la terre pour planter de la vigne, avait buté sur un ensemble de grosses pierres et mis à jour quelques vases. Il alerta aussitôt l'instituteur de Cabestany qui lui certifia qu'il s'agissait là des fondations d'une villa romaine. "L'instituteur de l'époque emporta les vases intacts trouvés dans le sillon", nous dit le propriétaire et il nous indiqua approximativement l'emplacement. Au printemps 1986, nous faisions un sondage pour vérifier les dires, et effectivement, découvrions les restes des fondations. Grâce à sa forme et sa profondeur, nous pouvons dire que cette villa n’avait pas d’étage. Nous rebouchions les tranchées pour ne pas abîmer le site et nous espérons qu'un jour des experts le fouilleront, bien que sous terre ce soit la meilleure protection qu'il puisse y avoir pour sa conservation. Nous avons régulièrement récupéré les débris qui jonchaient le sol, ce qui nous a permis de nous faire une idée concrète sur cette construction.

Cette maison avait un toit couvert de tuiles, ce qui pour la période montrait une certaine richesse : tout le monde ne pouvait s'offrir un toit de tuiles. De nombreuses briquettes de terre jaune jonchaient le sol. Posées de chant en arête de poisson (en romain opus spicatum), elles servaient à construire le fond des citernes et des canalisations afin de récupérer l'eau de pluie ; dans le cas présent la villa avait sûrement une conduite qui apportait l'eau d'un réservoir jusqu'à la maison. Divers objets furent trouvés, malheureusement sous forme de fragments. Nous pouvons dire que les propriétaires de cette villa possédaient en outre une meule en basalte (type basalte d'Agde ou d'Olot en Espagne) pour moudre le grain, un peson qui servait généralement à tendre les fils d'un métier à tisser. Nous avons aussi trouvé des joints de plomb : les romains coulaient ce métal entre les grosses pierres pour éviter qu'elles bougent les unes par rapport aux autres. Les pierres des murs ont été emportées après l'abandon de la villa pour d'autres constructions, pratique existant encore de nos jours.

Mais les objets les plus abondants sont les poteries que nous avons classé en trois parties : les gros récipients, la vaisselle de tous les jours et la vaisselle fine.
- Les gros récipients : Nous avons trouvé différentes amphores dont la forme de type italique date du premier siècle, ce qui nous informe sur l'ancienneté de la villa qui aurait donc près de 20 siècles. Les habitants possédaient des boliums, énormes jarres, hautes, parfois à demi enterrées servant à conserver les grains, olives, etc....
- Les plus nombreux tessons de poterie découverts, mais aussi les plus abîmés, proviennent de poteries ordinaires, ce que nous appelons "la vaisselle de tous les jours". Sans motif, la plupart du temps mal cuite ou contenant trop de sable ou ayant été beaucoup utilisée sur le feu, elle est très fragile et s'effrite facilement. Ces tessons ne permettent pas de déterminer dans la plupart des cas la forme exacte des poteries.
- Le troisième type ou "vaisselles fines" sont les poteries sigillées (de sigillum qui signifie sceau). Ces poteries sont des céramiques faites à base d'une belle pâte affinée, allant de la couleur orange foncé au rouge cerise, avec un "film", sorte de vernis inhérent à la pâte, résultant d'un bain avant cuisson dans un jus d'argile extrêmement affiné par plusieurs opérations de décantation. Ce type de vaisselle possédait un sceau avec en général, un décor.
Ces quelques morceaux, car malheureusement nous n'avons trouvé aucun vase entier à l'heure actuelle, (types de vase trouvés ) rappelle des vases de type DR 29 et DR 37 en référence aux formes de poterie sigillée unie de la Gaule du centre.

Cette villa semble être une demeure assez riche, et nous espérons que la plus grande partie reste encore à découvrir. En effet, seul l'angle de la maison a été touché par la charrue. L'emplacement du site de la villa a été communiqué à M. le Maire et ses adjoints afin qu'ils le protègent d'éventuelles constructions. De même une étude des tessons est en cours pour permettre de dessiner les vases.

Il a aussi été trouvé sur le territoire de Saleilles quelques monnaies :
1) Lors de la construction du pont du Réart, il a été mis à jour une monnaie de Probus à légende en lettres grecques (cat. Rollin 9289) : buste lauré et drapé à droite, revers L.Z. , aigle à droite, une couronne dans le bec. Monnaie remise à M. Durand par M. Dalbiez Pierre.
2) Indépendant du 22 janvier 1965. Une pièce de monnaie a été découverte et appartient à M. Jean PUJOL de Latour-bas-Elne. Toutefois, ce n'est pas dans le sol d'Illibéris qu'elle a été trouvée, mais à Saleilles, dans la cour de la propriété de M. PUJOL, près de l'église.
Après examen, M. Victor LAFONT a écrit :
"Pièce romaine de l'Empereur Domitien, né en 51, tué en 96 après J.C.
Moyen bronze. L'envers est assez bon, le revers est presque illisible. on lit :
à l'avers : IMP. CAES. DOMIS. AUG. GERM. COS XII. CENS. PER. P.P. Son buste lauré, à droite.
au revers : FORTUNAE AUGUSTI S. C. En partie effacée, la fortune, debout à gauche, tenant un gouvernail et une corne d'abondance.
Domitien fut nommé consul 17 fois, la douzième fois en 86, ce qu'indique la mention COS XII de l'avers, et cela permet de dater la pièce de cette année 86 de J.-C. ou 839 de Rome."
3) Un sol en cuivre du règne de Louis XVI : trouvé par M. Vila Gabriel en novembre 1985 route d'Alénya dans la propriété au lieu dit "Las planés" , parcelle A 269
au recto : LVDOV. XVI. D. GRATIA et tête nue à gauche
au verso : Franciae et Navarre avec la date et un écu couronné


Les invasions

Dès que craqua la structure romaine, ce fut la ruée des Barbares. L'empire romain fut impuissant à les contenir. Une de leurs tribus, les Vandales, parvient en 407 jusqu'aux Pyrénées, semant la terreur. Le séjour des Vandales dura deux ans, années ou le pays fut mis à sac selon leurs pratiques habituelles. Ils furent suivis par les Alzins et les Suèves. La dévastation fut encore accrue et les conséquences s'en firent davantage sentir quand, trois ans après, en 412, les Wisigoths envahirent à leur tour la contrée. Leur implantation se fait surtout le long de la "Via Domitia" et donc à Saleilles. "Nos bestiaux, nos fruits et nos gens enlevés, nos vignes et nos oliviers dévastés, nos maisons ruinées ; à peine reste-t-il quelque chose dans les campagnes. Mais tout cela n'est que la moindre partie de nos maux. Depuis dix ans, les Vandales et les Goths font de nous une cruelle boucherie ; ils n'ont épargné ni la faiblesse de l'âge ni celle du sexe ; les hommes et les enfants, les gens du peuple et les personnages les plus considérables, tous ont été sans distinction les victimes de leur haine" écrit un auteur de l'époque. Ils resterent deux siécle et demi. Durant cette période il y eu la création du diocèse d'Elne, un des sept sièges épiscopaux de la Septimanie, dont le plus ancien évêque connu est Domnus, cité en 571. Elne et sa région, attire l'avidité des pillards.

Les Wisigoths, poussés par leurs instincts nomades et abandonnant la Septimanie (le royaume wisigoth ), se portèrent vers de nouveaux lieux de stationnement et allèrent fonder en Espagne le royaume de Tolède ; mais quelques-unes de leurs tribus, n'ayant pas trouvé dans la péninsule Ibérique suffisamment de terres à leur choix, revinrent quelques années après, en 419, sur le sol de la contrée, appelée plus tard le Roussillon et s'y fixèrent définitivement.

Le pays passa donc sous la domination des Wisigoths. Il ne faudrait pas croire que cette occupation fut sans dommages pour les habitants ; ceux-ci furent en grande partie dépouillés. Ils eurent à partager leurs terres avec les envahisseurs qui en prirent les deux tiers et en laissèrent un tiers aux anciens possesseurs. Il en fut de même des habitations. Leur établissement dans la région n'eut pas seulement des conséquences désastreuses pour les particuliers mais aussi pour les villes qui sont pillées et détruites. Cette implantation amena aussi un bouleversement profond dans la société. Elle eut pour effet de détruire la vie municipale et d'assujettir les saleillencs à de nouvelles lois et à un mode de vie différent. La langue elle-même, pour se mettre à la portée des vainqueurs, qui ignoraient le latin, se corrompit et se gonfla de termes germaniques. Les Francs dominent en France à partir de 507 mais ne pénètrent que très peu en Roussillon. A partir du 1er septembre 601, le pape Clément VII autorise le transfert de la résidence, et non du siège, de l'évêque d'Elne à Perpignan. L'évêque de Perpignan gardera jusqu'à la révolution le titre d'évêque d'Elne.

Après un séjour de près de 300 ans, les Wisigoths, envahisseurs venus du nord, se trouvèrent à leur tour aux prises avec des hordes de conquérants parties d'Afrique. Les Arabes détruisirent le royaume wisigoth de Tolède et firent irruption en 711, dans la Septimanie qui devient en 719 province de l'Empire arabe. Ils se livrèrent au meurtre des populations sans défense, emmenèrent en esclavage un grand nombre de femmes et d'enfants, saccagèrent les églises et pillèrent le Roussillon. Les Arabes resteront quarante années. Ils transformeront le pays en désert et nous subirons totalement l'islam. La contrée ne cessa d'être ravagée et connut encore de nouveaux malheurs à cause des combats entre Sarrasins et Francs. Les luttes continueront jusqu'à ce que les Francs s'installent définitivement. Le pouvoir royal donna aux maîtres des sols des prérogatives et le droit de rendre la justice. Peu à peu ils devinrent les maîtres des villages et se firent appeler "Seigneurs". Quant à ceux qui cultivaient les terres, ils ont été de plus en plus astreints aux charges, corvées et aux redevances. Ceci amène au fil des années à l'organisation de la société féodale : un seigneur et la masse des paysans. Dans les villes, une classe intermédiaire, composée de commerçants, d'artistes, etc..., s'intercale entre ces deux grands groupes.

Les Carolingiens, par Charlemagne, organisèrent militairement le pays pour former la Marche d'Espagne, territoire qui a pour but de protéger la Septimanie des arabes installés en Espagne. La fortification du Roussillon et sa division en comtés fait obstacle à de nouvelles menaces d'invasions. La dernière incursion des Sarrasins en France date de 793. En 801, le roi Louis 1er, fils de Charlemagne, s'établit à Ruscellio (Château Roussillon) avec un corps d'armée pour attendre l'issue du siège de Barcelone. Jusqu'à ce siècle, aucun écrit sur Saleilles, aucune mention de son nom, aucun vestige, à part sa situation sur la voie romaine et l'existence d'une "villa romaine", qui permet de certifier que Saleilles a existé. Pourtant des maisons avec une église sont bien présentes au moyen âge, comme nous le verrons un peu plus loin, et les habitants de Saleilles ont vu passé Louis 1er le pieux.




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