La campagne de Reims


Novembre 1915

Le 3 novembre, après une heure de trajet, nous arrivons à Epernay où l’on débarque. Nous traversons la ville au pas cadencé, nous traversons la Marne sur un pont, on va cantonner à Cumières qui est une petite ville.
Le 4 novembre, il y a une prise d’arme pour décorer des poilus de la croix de guerre. Moi, je suis de garde au poste de police, où de temps en temps, on va dans une buvette boire quelques petits verres d’eau de vie.



Le 7 novembre, à 6 heures du matin, on quitte Cumières. À la sortie du patelin, on monte une côte de deux kilomètres qui est pénible à grimper. On passe à Hautvillers et Marfaux. Un peu plus loin de ce dernier, on fait la grande halte, on mange la soupe que la cuisine roulante faisait en route. Après avoir fini de manger la soupe, on se met en route. On passe à Chaumuzy, Saint Euphraise et à 4 heures du soir, on arrive à Coulommes la montagne. Le lendemain matin, 8 novembre, on repart à 3 heures, on passe à Bézannes, les Mesneux. On rentre dans les faubourgs de Reims en passant devant la cathédrale Saint Clotilde. On va loger dans un collège à Cormontreuil. Le soir même, on monte aux tranchées, on traverse toute la ville, on va occuper le secteur Reims-Cernay. On relève le 291iéme qui occupait ce secteur depuis 13 mois, et avant de partir, ils avaient inscrit dans les cabanes " nous avons gardé le secteur treize mois, tachez de ne pas le laisser reprendre ". De la tranchée, on aperçoit la ville de Reims, ainsi que la cathédrale. On va chercher la soupe dans la ville même où l’on peut acheter tout ce que l’on veut, principalement du pinard. La ville est encore beaucoup habitée pour entendre dire qu’il reste encore 20000 habitants.
Le 12 novembre, on est relevé par la 11iéme compagnie. On va en deuxième ligne à la saboterie. Il gèle, mais on ne fait pas beaucoup de travail.




Le 14 novembre, on va relever en première ligne. Dans la journée, on s’amuse à tirer sur les petits oiseaux.
Le 20 novembre, on est relevé. On va au repos aux caves Roederer. On nous défend de sortir en ville sans avoir une permission. On est enfermé comme dans une caserne en temps de paix. Un jour on va se promener à la ville, on en profite pour aller visiter la cathédrale qui fut incendiée par les boches pendant leur retraite de la Marne. Elle n’est pas trop abîmée, mais le feu avait noirci les pierres sculptées. Nous avons une prise d’armes pour décorer mon capitaine Jaubert de la croix de chevalier de la légion d’honneur à la cour des anciennes casernes Colbert. On va faire de l’exercice sur l’avenue de la République.
Le 24 novembre, on va relever au même secteur aux tranchées. Pendant le séjour aux tranchées, il a plu tout le temps.
Le 28 novembre, on est relevé, on va au repos aux mêmes caves.

décembre 1915

Le 1er décembre, on fait un exercice de gaz dans une chambre remplie de chlorure.
Le 4 décembre, on monte aux tranchées, il fait froid, heureusement que l’on peut faire du feu dans les abris.
Le 10 décembre, on est relevé pour aller au repos mais on nous " en merde " à faire de l’exercice.
Le 16 décembre, on va relever au secteur Reims-Cernay. On a meilleur temps, il ne fait pas si froid, mais on trouve les heures de gardes longues.
Le 22 décembre, on descend au repos.
Le 25 décembre, jour de la fête de Noël, mon escouade est de garde à la rue de Reims-Cernay à l’école Gerveaux. Ce jour-là est un peu plus amélioré.
Le 28 décembre, on monte aux tranchées, mais ce jour-là, les boches bombardent avec rage la ville de Reims. De ma section, deux poilus sont blessés au poste Gerveaux dans la rue de Cernay, et de nombreux civils sont mort ou blessés.

janvier 1916

On passe le 1er janvier 1916 à la tranchée. L’ordinaire est un peu amélioré, on nous donne un cigare, une bouteille de champagne à quatre que l’on va boire au petit poste.
Le 3 janvier, on est relevé, mais au bout de trois jours, tout le régiment est relevé des tranchées pour aller au grand repos.
Le 7 janvier, on va loger aux caves Champion, mais mon bataillon est obligé de rester jusqu’au 14 janvier, à Reims à cause d’un bataillon du 40iéme qui estt malade.
À cette date du 14 janvier, on quitte Reims pour aller au grand repos, on passe par la Porte de Paris où c’est l’endroit le plus habité de la ville, puis Tinqueux. On arrive à Thillois à 8 heures du matin. Là, on fait chaque jour de l’exercice et le 16 janvier, au soir, on fait une manœuvre de nuit avec tout le bataillon, constituant une marche en avant, sous un projecteur sans être vu de l’ennemi. L’exercice fini, on se trouve en face du village Ville-Dommange où l’année dernière on avait embarqué en autos pour aller à l’offensive de Champagne. Puis on rentre dans nos cantonnements où l’on arrive vers minuit. On mange un morceau, puis on se couche car la manœuvre nous avait fatigué.
Le 24 janvier, notre repos est fini, dans la soirée on rentre à Reims à la rue Jacquard.
Le 25 janvier, nous allons en réserve à la butte de tir, aux abris de la voie ferrée où l’on va travailler en plein jour.
Le 31 janvier, nous allons au repos à Reims, rue Jacquard. On va faire de l’exercice dans un champ en dehors de la ville.

février 1916

Le 6 février, nous allons relever à la butte de tir, ma section est en réserve à la tranchée des Echappés, là, on reçoit un renfort. Il gèle chaque matin.



Le 12 février, on est relevé et on va au repos rue Jacquard. On nous vaccine contre la fièvre " antyparaphoïdique " et la piqûre nous endort le bras pendant deux jours.
Le 18 février, on va en réserve au pont de la Housse. Il pleut dans les abris, on est obligé de faire du feu à l’intérieur pour pouvoir se coucher le soir au sec. Il fait froid pendant le séjour des tranchées et la neige tombe. Le sergent-major prend mon adresse pour porter ma permission au colonel.
Le 24 février, on est relevé, on va au repos rue Jacquard.
Mais le 26 février, dans l’après-midi, un ordre arrive : il faut aller relever une compagnie de territoriaux au secteur des cavaliers de Courcy. Ma compagnie occupe la tranchée qui touche la voie ferrée. Pas d’abri et le secteur est mal entretenu, heureusement que l’on y reste que deux jours.
Le 28 février, la 40iéme nous relève, on quitte le secteur avec beaucoup de plaisir. On va au repos aux caves Champion en face la place Dieu-Lumière.

mars 1916

Le 6 mars, on monte aux tranchées du secteur Reims-Cernay. Pendant la relève, je fais attention car je pense que la perm est proche.



Le 7 mars, je me promène dans la tranchée, arrive l’agent de liaison de la section, me dit " monte ton sac, tu pars en permission ce soir ". De la joie, je n’ai pas pu parler. Après la soupe du soir, je monte mon sac et à 7 heures je quitte la cabane pour aller me présenter au chef. À 7 heures et demie, on quitte la tranchée avec douze de mes copains, en route, je ne sens pas le sac. Arrivé au cantonnement, je verse le sac dans la voiture de la compagnie. À minuit, on part de Reims pour aller s’embarquer à la gare de Muizon. On va se rassembler à Champigny où tous les permissionnaires de la division se rassemblent.
Le 8 mars, à 6 heures du matin, on arrive à la gare de Muizon et on nous donne à chacun la permission. On monte sur le train et à 6 heures et demie, il se met en marche. On arrive à Paris à midi où je vais dîner en ville. Je me promène un peu en ville et à 3 heures et demie, on rentre dans la gare, on monte sur le train. Il quitte la gare de l’Est à 4 heures. On arrive à Corbeil à 8 heures du soir où nous avons 2 heures d’arrêt. À 10 heures, on se remet en route. Pendant le trajet de nuit, on passe Dijon, Macon et l’on arrive le 9 mars à la gare de Lyon-Perache. On change de train ; on monte sur l’express qui va à Marseille, on passe Avignon à midi. À 2 heures, on est en gare de Tarascon où l’on descend pour prendre la direction de Nîmes. À 3 heures, on quitte Tarascon, on passe à Nîmes, Montpellier, Cette, Béziers, j’arrive à Narbonne à 10 heures du soir : il n’y a pas une communication avec Perpignan qu’a une heure du matin. De ce temps, on va se promener un peu en ville, à minuit et demi on rentre à la gare, le train est déjà arrivé. On grimpe dedans, on part au bout d’un quart d’heure. Le temps nous parait long mais à un moment donné, on sort la tête à la portière, on commence de voir les lumières de la capitale du Roussillon. À 3 heures et demie le train arrive en gare de Perpignan ; on descend du train avec cinq de mes copains et chacun prend la direction de sa maison. Moi avec Roux, nous faisons la route ensemble et on se quitte à la maisonnette du Réart. À 5 heures du matin je suis reçu à ma maison, la joie commence………….

C’est le 17 mars, les jours passent vite, c’est le jour de mon départ. Je vais faire un repas en famille chez ma tante à Elne. Après avoir embrassé mes parents, à 3 heures du soir, je monte dans le train qui se met en route à l’instant même. Avec moi, il y a mon copain Roux, on a le cafard tous les deux. On arrive à Perpignan, on descend pour attendre le train de minuit. On sort en ville pour aller souper. Après avoir souper, on se promène un peu, puis on va au cinéma pour ne pas trouver le temps si long, car le cafard travaille. À minuit, on quitte Perpignan, on passe à Narbonne, Avignon.
C’est le 18 mars, à 8 heures du soir qu’on arrive à Lyon où nous avons deux heures d’arrêt. On en profite pour aller en ville. À 10 heures, on quitte Lyon, on arrive à Juvisy où l’on change de train. On arrive à Paris à midi, on sort en ville, mais on n’a pas beaucoup de temps. À 3 heures, on rentre dans la gare de l’Est, le train part à la demie. On s’approche de l’enfer, à 8 heures du soir, on arrive à la gare de Muizon, on descend du train car il ne va pas plus loin. On se met en route pour aller rejoindre notre compagnie qui est aux tranchées. On arrive à Reims à 2 heures, dans notre cantonnement, aux caves Champions. Je mange un morceau, puis je me couche. On nous apprend que le régiment est relevé des tranchées aujourd’hui même, 20 mars par le même régiment que nous avions relevé au mois de novembre1915, le 291iéme d’infanterie. Le capitaine vient au cantonnement nous dire d’attendre la compagnie, comme cela on s’évite de monter aux tranchées. À minuit, la compagnie passe la place Dieu Lumière, chacun rentre dans leurs escouades. On se met en route pour Champfleury, pour prendre un peu de repos.
C’est le 21 mars que l’on y arrive à 6 heures du matin, là on fait chaque jour de l’exercice, sauf un jour où l'on va faire des tranchées au Fort de Montbray.

avril 1916

Le 6 avril au soir, on quitte Champfleury pour aller à Ludes. La marche est pénible, à cause du terrain qui glisse.



Le 7 avril, au soir, on va relever le 240iéme au secteur de Sillery, pour y aller, on passe par Puisieulx, Sillery, le petit Sellery. Ma compagnie va en réserve à l’ouvrage 9, à droite du Fort de la Pompelle et à côté de la route qui passe à la ferme d’Alger. Le secteur ne semble pas trop mauvais, mais le 10 avril, , messieurs les boches bombardent le Fort de la Pompelle, avec violence, avec des torpilles et des obus de gros calibres sans que notre artillerie riposte à l’artillerie ennemi. L’artillerie qui est derrière nous, ce sont des gas du nord qui laissent écraser les fantassins qui sont des gas du midi. Il a fallu que le général de brigade supplie les artilleurs de tirer mais l’artillerie ennemie avait fait son travail. " Voilà l’amour que l’on a entre Français ".
Le 15 avril, on est relevé, on va au repos à Ludes. On nous vaccine contre la fièvre " antyparaphoïdique ". Cette fois, on a le filon d’être piqué, car on serait obligé d’aller chaque jour faire des tranchées.
Le 21 avril, on va relever au bois des Zouaves. Pendant la relève, il a plu tout le temps. Les tranchées sont mauvaises : pas d’abris potables car on est obligé de se mettre une claie en bois pour ne pas coucher dans l’eau. Chaque jour, nous tirons des torpilles et les boches répondent par des obus.
Le 27 avril, on est relevé par la première ligne, on va en réserve. Messieurs les boches nous bombardent avec des miniers.
Le 29 avril, on est relevé par le 61iéme. On va en réserve au petit Sellery, aux abris qui longent le canal de la Marne. Chaque soir, on fait des tranchées aux abords du village de Sillery.




mai 1916

Le 5 mai au soir, après avoir bombardé les tranchées ennemies, le 2iéme bataillon fait une reconnaissance dans une tranchée ennemie en faisant un prisonnier et en a tué plusieurs. Nous de ce temps-là, on est en alerte en cas que les boches fassent une contre-attaque.
Le 6 mai, nous allons relever en première ligne à gauche, le 2iéme bataillon qui avait enlevé le petit poste boche. Là, nous avons eu deux blessé dans la compagnie.



Le 14 mai, on est relevé, on va en réserve à la cuvette de la station de Sillery, à 20 mètres de la voie ferrée.
Le 20 mai à 8 heures du soir on assiste à un combat d’avion. L’avion français en étant plus haut, mitraille l’avion boche et l’oblige à abandonner le combat et il le force à atterrir dans un bois, derrière ses lignes.
Le 22 mai, le bataillon est relevé des tranchées et va au repos à Ludes, mais ma compagnie reste en réserve du régiment à Bellevue, où les abris touchent le canal. Il vaut mieux être là qu’au repos, on ne travaille pas trop et l’on peut bien se ravitailler.
Le 28 mai au soir, on va relever en première ligne à gauche de l’ouvrage 9. Je suis à la même tranchée où fut blessé Pujol l’année dernière au mois d’août. Le secteur est assez calme. Mais il faut faire attention quand on est dans la tranchée car, à cet endroit, les boches envoient de temps en temps des rafales d’obus de 88.

juin 1916

Le 3 juin, nous allons en réserve à l’ouvrage 9 où l’on est logé dans un magnifique abri à 10 mètres sous terre. Au bout de deux jours, on nous apprend que l’on est relevé du secteur. Le 6 juin au soir, on est relevé par le 174iéme qui vient de Verdun. Pendant le cours de la relève, on passe à Sillery, Puisieulx et l’on va cantonner à Ludes pour se reposer un peu car ma compagnie avait fait 46 jours de tranchées , sans aller au repos.
Le 7 juin au soir, on quitte Ludes à 8 heures, on passe à Chigny les Roses, à Rilly la montagne, à Villers-Allerand, à Monchenot, à Sermiers, à Marfaux et l’on va cantonner pour une nuit à Chaumuzy.
Le 8 juin, on repart pour aller dans un camp, on passe à Ville en Tardenois, à Romigny, on va cantonner à Aougny dans des baraquements en planches qui étaient construits pour instruire la classe 16. Là, on fait chaque jour de l’exercice et des marches. C’est le 14 juin au soir que l’heure est avancée d’une heure.
Le 15 juin au matin, on quitte Aougny pour aller s’embarquer à Fismes, passant par Arcis le Ponsart, Courville, nous arrivons à Fismes à 9 heures. On rentre sur le quai de la gare, on s’embarque tout de suite après avoir touché deux jours de vivres. Le train se met en marche à 10 heures .









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