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L'église de la Demoiselle VIMORT

Après le déclin du village, la chapelle fut désertée par les écclésiastiques surement à partir de la révolution. Au milieu du XIXe siècle, les messes et les cérémonies étaient assurées par des curés extérieurs à Saleilles (les prêtres de saleilles ). L'idée d'avoir dans le village une paroisse avec son curé commença à germer dans l'esprit de la demoiselle dès les années 1870. Elle fit de nombreuses demandes auprès de l'évêché, sans résultat. Pour que l'évêché crée une paroisse, il fallait une église avec son presbytère. La demoiselle étudia le problème et fit établir des plans par M. Rancier J. de Perpignan. C'est en 1884 et non en 1894 comme il est noté un peu partout, que débutèrent les travaux. Les fondations sont coulées en 1884 sur le terrain dit "le pradet". 324 m3 de béton sont employés et payés le 5 août 1884. Une convention entre la demoiselle et Gaudérique Gally Tixador fixe les règles de culture sur le terrain "le pradet", autour des fondations de l'église : la demoiselle donne les graines, le terrain et l'eau et M. Galy fait le travail et fournit 30 m3 de sable. L'église est entièrement financée par Melle Vimort, qui attendra plusieurs années pour continuer les travaux. Au vu des documents, la charge financière était trop importante pour son budget. Ce n'est qu'en 1894 que commencera le gros œuvre. La construction du presbytère et la maison du sonneur est entreprise à partir de la modification d'une maison existante. Melle Vimort était une femme prévoyante : en cas de décès, tout était consigné dans son testament. Elle en fera plusieurs au fur et à mesure de l'évolution de ses travaux et de ses finances. Ce sont plus de 39 propriétés qu'elle vendra pour payer les travaux et le matériel. Elle avait acheté son cercueil qu'elle conservait dans son grenier.

En 1911, tout se précipite. Melle Vimort décède le 10 janvier, âgée de 82 ans et est inhumée sous le maître autel de son église inachevée. Par un testament qui annule celui du 19 mars 1900, elle donne tous ses biens à l'évêché pour qu'il termine son église. Monseigneur Carsalade du pont est chargé de la continuité des travaux . Cette année là deux grandes décisions pour Saleilles sont prises :
- Le 12 mars 1911, Saleilles est érigé en paroisse par décision épiscopale. La cérémonie s'est déroulée à la chapelle, car l'église n'était encore qu'un chantier, en présence de nombreuses personnalités ecclésiastiques. Il est à noter que Saleilles, qui ne sera commune à part entière que 13 ans plus tard, est l'un des rares hameaux à être paroisse.
- Un curé est nommé au mois de mai. Le 27 août 1911, M. Théophile Vernet est le premier curé résidant à Saleilles depuis la Révolution. Il prend en main la suite des travaux . Ce sera l'homme de terrain, efficace et sérieux, prenant sa tâche à cœur. M. Blancou sera l'exécuteur testamentaire, supervisé par M. Gaston, parent de la défunte, à qui la demoiselle a laissé toutes les explications dans des lettres .

L'évêché, le curé Vernet et le notaire Maître Desbœufs examinèrent les comptes de la succession : le gros œuvre payé, l'héritage ne permet plus d'achever l'intérieur de l'église. Tous les terrains de la demoiselle ont été vendus, il ne reste à l'évêché que le terrain qui contient l'église. Il fut donc décidé de surseoir provisoirement à la construction du clocher pour le finir ultérieurement avec un financement à trouver. Les plans seront repris (plan de l'église : coupe latérale - coupe transversale - plan au sol ). Le clocher ne sera jamais terminé, ce qui donne un aspect particulier à Saleilles. En 1913, après plus de dix siècles, mille ans de services, la chapelle fut abandonnée. Le culte fut officiellement transféré dans ses nouveaux locaux et c'est le 24 juin de cette même année que l'église est bénie sous le vocable de Saint Etienne. Des appels à des donateurs et des quêtes sont organisés régulièrement pour trouver de l'argent afin de meubler l'édifice. Les travaux dureront jusqu'en 1920 où le dernier vitrail est posé sur lequel on peut lire "Saint Etienne patron de Saleilles".

Les rumeurs circulant dans les rues du village à cette époque, (que j'ai encore entendues récemment) comme quoi Monseigneur Carsalade du Pont, évêque chargé du testament, aurait détourné des fonds au profit du prieuré de Saint Martin du Canigou, sont totalement fausses. Les sommes débloquées par la demoiselle Vimort étaient insuffisantes et si sa mort n'était pas intervenue durant les travaux, libérant des capitaux par la vente de ses biens personnels, la construction de l'église, aux vues des revenus de la demoiselle, aurait duré plusieurs dizaines d'années de plus. D'ailleurs, elle avait établi plusieurs testaments. Dans celui du 19 mars 1900 tout était organisé (entre autres des valeurs industrielles au porteur mises de côté, dans son coffre au chevet de son lit, pour faire le clocher). Dans le testament du 26 juin 1908, elle dit "il n'y a pas assez de numéraire pour terminer entièrement mon œuvre et il faut se borner au plus utile". Le manque d'argent apparaît aussi dans les sommes distribuées aux héritiers : au début 14000 fr. sont prévus en plus du prix de la construction de l'église. En fait seul 1000 fr. son distribués, 3928 fr. en remboursement des dettes en cours et il ne reste que 17900 fr. pour finir la construction et acheter le mobilier. Il est à noter que la famille Desboeufs a pris à sa charge la chapelle de la vierge (autel, statue et vitrail), Mme Mairine a acheté le maître autel. Mme Célestine Mairine , M. Paul Desboeufs , M. Joseph Durand , M. Louis Verges et Me Henriette Ygrec achèteront chacun un vitrail au bas duquel leur nom sera gravé. M. Charles Desboeufs offrira une grisaille. Les bancs seront financés par une quête publique.

Autres faits trouvés dans les archives de l'église :

- La demoiselle Vimort aurait voulu que son église soit baptisée "Eglise du Sacré Cœur", symbole de l'amour divin. Il n'en a rien été, et l'évêché l'a consacré "Eglise Saint Etienne", vocable de Saleilles depuis l'an 927, considérant qu'elle remplaçait la chapelle et ne faisait pas double emploi avec celle-ci. En effet, la chapelle est propriété municipale et l'église appartient à l'évêché.
- Une plaque de métal est posée sur la façade de son église et porte l'inscription "hommage et consécration au Sacré Cœur de Jésus 1689-1889", plaque mise en place par la demoiselle Vimort lors de la construction.
- La demoiselle voulait que la cloche porte son nom. Par économie, elle ne fut pas fondue mais achetée d'occasion. La cloche installée a été exécutée pour l'église Saint-Jean où elle n'a jamais été mise en place. Elle fut coulée en 1834. On trouve sur cette cloche de nombreux écussons, des inscriptions et notamment les armes de la ville de Perpignan et le blason de l'évêché d'Elne.
- La cloche de l'église fut déposée au mois d'août 1990 afin d'être sablée et électrifiée aux ateliers Bodet de Toulouse. Remise en place le 4 octobre 1990, elle sonne par programmation, les heures et les demies, les angélus, le glas et la volée.
- Melle Vimort est née le 22 aout 1828 à Villefranche sur Saône où son père est fabriquant. Elle est baptisée le 24 du même mois. Elle rapatriera en 1886 les restes de ses parents et les inhumera dans sa propriété à Saleilles.
- Théophile Vernet, curé d'Ansignan depuis 12 ans, sera curé de Saleilles de mai 1911 jusqu’à sa mort en novembre 1922, inhumé à Mosset.
- Le 13 janvier 1912, un service funèbre est célébré pour le repos de Melle Vimort. On notera la présence de Monseigneur Carsalade du Pont accompagné du secrétaire de l'évêché.
- Les premières communions se déroulèrent le 21 juillet 1912 : 8 garçons et 14 filles.
- Le parking et l'espace vert devant l'église appartiennent au diocèse depuis la mort de Melle Vimort. Un bail en laisse la jouissance à la commune jusqu'en 2027 pour le franc symbolique (plan de 1974 ).
- En mai 1995, la plume de la statue de Saint Etienne qui est au centre du retable est dérobée.
- Appelée "La Demoiselle", Joséphine Anne Élisabeth Vimort est née à Villefranche sur Saône le 22 août 1828 de Denis Vimort, fabricant, et de Marie Maux, fille d'un propriétaire terrien de Saleilles. La demoiselle œuvrera toute sa vie pour l'autonomie de son village, aussi bien sur le plan politique que religieux. Une plaque, apposée à l'intérieur de son église, et qui rappellerait son dévouement, ne serait que justice.

inscriptions sur la cloche de l’église.
LAUDENT NOMEU ETUS IN CHORO
+ JE M'APPELLE MELANIE.
J'AI ETE BAPTISEE L'AN MDCCCXXXIV PAR MGR RAMADIE
MA MARRAINE A ETE MME CUILLEE
MON PARRAIN EST H. VASSAL
EUGENE BAUDOIN FONDEUR A MARSEILLE



Extrait du testament de la Demoiselle VIMORT.

Par devant Maître François Delcos, licencié en droit, notaire à Perpignan, soussigné
A comparu : M. Raymond Coffinières, Greffier du Tribunal Civil de Perpignan, demeurant en cette ville.
Lequel a remis aux mains de Me Delcos, notaire soussigné et l'a requis de déposer au rang de ses minutes pour qu'il en soit délivré grosse, expéditions ou extraits à qui il appartiendra.
1) L'original sur feuille au timbre de un franc quatre vingt centimes du testament olographe de Melle Joséphine Anne Elisabeth Vimort Maux, célibataire, majeure, sans profession en son vivant, demeurant à Saleilles, hameau de Cabestany, y est décédée le dix janvier 1911, en date à Saleilles du vingt six juin mil neuf cent huit,
2) L'original sur feuille au timbre de soixante centimes du codicille du dit testament, fait aussi en la forme olographe, en date à Saleilles du vingt deux novembre mil neuf cent dix.

première annexe
ad Majorem Dai Gloriam
Ceci est mon testament olographe

Je soussignée, Joséphine Anne Elisabeth Vimort Maux fais par le présent mon testament olographe ainsi qu'il suit. Je révoque les testaments que j'ai faits avant celui-ci et après avoir remis mon âme à Dieu, je déclare mourir dans la foi et l'union de ma Sainte Mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine.
J'institue pour mon légataire universel M. Paul Desbœufs notaire à Perpignan
Je laisse quatre cents messes pour le repos de mon âme à l'honoraire de deux francs cinquante centimes chacune. Les mille francs de leur montant seront donnés immédiatement après ma mort par M. Paul Desbœufs à l'Abbé Salvat, curé à Théza qui assurera sans contrôle la célébration de ces quatre cents messes.
Je donne et lègue à Monseigneur de Carsalade du Pont, évêque de Perpignan :
Premièrement : mon église en construction à Saleilles au lieu dit petit pré ou pradet,
Deuxièmement : le dit petit pré ou pradet porté au plan cadastral n°148 section D sur lequel l'église est bâtie, ainsi que toutes les petites bâtisses qui sont sur le dit pré pour servir de maison au sonneur des charges de l'église ou tout autre emploi pour le service de l'église,
Troisièmement : ma maison d'habitation à Saleilles avec les meubles meublant qui s'y trouveront au jour de mon décès,
Quatrièmement : mes droits d'arrosage que j'ai réservés lors de la vente de mes propriétés afin que l'excédent de l'eau qui ne sera pas nécessaire à l'entretien de mon pré puisse être affermé à un des co-arrosants et fournir ainsi un petit revenu qui sera exclusivement affecté à l'entretien de la lampe du sanctuaire comme prière perpétuelle pour nos ascendants qui ont crée le ruisseau.
Je supplie humblement Monseigneur de Carsalade du Pont de vouloir bien accepter les legs ci dessus pour faciliter et assurer l 'achèvement de l'église de Saleilles dont j'ai commencé la construction et pour assurer le service du culte catholique apostolique et romain à Saleilles; le revenu du pré est destiné à l'entretien de mon église.
Je réserve la jouissance de ma maison d'habitation de Saleilles avec les meubles meublant, provisions, linge de ménage etc.... qui s'y trouveront au jour de mon décès au profit de M. l'Abbé Salvat, curé de Théza, sa vie durant à la condition qu'il exercera lui-même ce droit de jouissance ou le fera exercer par un prêtre de son choix. M. l'Abbé Salvat est dispensé de fournir caution et de faire l'inventaire au sujet de cette jouissance.
M. l'Abbé Salvat devra conserver dans ma maison d'habitation tous les objets de l'église qui s'y trouveront jusqu'au jour ou ces objets pourront être transportés dans mon église et dans ses sacristies.
Je lègue à M. Desbœufs mon légataire universel comme souvenir et témoignage de ma reconnaissance la somme de mille francs
Tous les legs ci-dessus seront délivrés libres de tous droits, charges, frais et impôts dans le mois qui suivra mon décès.
Les fonds et valeurs qui demeureront libres après l'acquittement de ces legs et charges seront réalisés par mon légataire universel et employés par lui à la continuation de la construction de mon église par les soins et travaux de M. Eugène Badie, entrepreneur à Perpignan qui se conformera aux plans et devis qui lui seront remis par mon légataire universel et qui se trouvent dans mes papiers.
Je déclare n'avoir ni bijoux, ni argenterie, ni tableaux, ni objets d'art, rien que le strict et usé mobilier d'une octogénaire campagnarde.
Fait et écrit tout entier de ma main dans ma maison d'habitation de Saleilles ce vingt six juin de l'année mil neuf cent huit jour de la fête du Sacré Coeur auquel mon église est consacrée.

Deuxième annexe
Codicile à mon testament

Comptant que M. l'Abbé Louis Salvat serait encore à ma mort curé de Théza et Saleilles, et ayant l'intention à l'entrée de l'hiver de mil neuf cent dix de le prendre ainsi que sa soeur chez moi à Saleilles pour le soigner et avoir soin de l'église, je lui avais légué mon linge de corps et de ménage afin qu'à ma mort nul ennui ni réclamation ne lui fût survenu. Puisque Dieu en a disposé autrement et que je ne leur serai d'aucun souci ni d'aucun ennui je laisse à ma cousine germaine Célestine Mairine née Batlle au lieu et place de M. l'abbé Salvat mon linge de corps et de ménage et mes hardes, je maintiens toutes les autres dispositions de mon testament concernant l'Abbé Salvat au sujet et à la jouissance de la maison. Je donne à Célestine la garniture de ma chambre à coucher de Saleilles composée de la pendule, de deux cornets, deux chandeliers et deux coupes.
Aucune fenêtre ni lit ne doit être détaché de sa place, ni patères, ni embrasses rien absolument ne doit être touché et la maison doit rester intacte telle qu'elle est. Je laisse à Jeanne Mairine épouse Lense mon armoire à glace et la méridienne de la chambre du premier, l'armoire est fixée au mur par des pattes, les enlever afin de n'abîmer ni la tapisserie, ni l'armoire, la chauffeuse noire recouverte de fourrure, la glace médaillon du salon du premier, ma chaîne de montre et le hors-d'oeuvre qui se trouve dans le tiroir du dressoir du salon à manger sont pour Lucie Gaston Maux ainsi que l'éventail chinois qui est sur le guéridon de ma chambre du premier.
Paul Desbœufs, Célestine et M. Salvat s'entendront pour prendre un jour pour enlever linge etc, etc..., un jour suffit du reste, je ne veux pas que l'on ouvre à tout instant portes et fenêtres, Célestine a une clé de ma porte en fer, la reprendre après ma mort.
A la cordonnière, le fauteuil de ma chambre à coucher, deux robes pour porter mon deuil et tout ce que Célestine ne voudra pas utiliser de mes hardes.
Les tapis, carpettes sont tous pour mon Eglise du pré ainsi que les porte-vases, vases, chandeliers, corbeilles, etc... .Tout ce qui est de l'église doit rester chez moi sans être remanié ni bouleversé jusqu'au jour ou on pourra le porter soit à l'Eglise neuve, soit dans les sacristies ; tous ces petits souvenirs sont exempts des droits de succession.

Saleilles ce vingt deux novembre mil neuf cent dix
signé : Joséphine Vimort

Ne varietur première page
Perpignan le onze janvier mil neuf cent onze.





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