La chapelle

En 789 Charlemagne faisait à ses sujets, obligation de baptiser les enfants avant l'âge d'un an. Dans ce but, il avait multiplié les églises baptismales, en accordant de grands privilèges : toutes les églises rurales auxquelles était rattaché un cimetière, étaient déclarées églises baptismales, avaient leur autonomie et étaient exemptées de la dîme.

En 856 le Pape donne la description des piscines pour le baptême. Elles doivent être creusées dans la pierre , pour résister à l'eau, et munies en leur fond d'un trou pour vidanger les eaux dans un puits sec. Les piscines deviennent des fonts baptismaux au XIe siècle. Saleilles avait son église sans clocheton qui comme nous le savons date du XIXe siècle, entourée du cimetière. Les baptêmes pouvaient donc y être célébrés. Les fonts baptismaux, ancienne piscine sans doute du VIII ou du IXe siècle, en pierre massive qui a résisté aux invasions sarrasines, furent réinstallés dans la chapelle après sa reconstruction en 1024. Ils sont transférés définitivement en 1955 dans la nouvelle église, par M. Dagues, entrepreneur au village. Il y transportera aussi le retable en 1957 avec l'aide de M. Sala, menuisier à Théza. L'église paroissiale de Saint Etienne de Saleilles est construite sur la partie haute des terres insubmersibles, à proximité de la voie romaine, non loin des petits étangs au sud et à l'est, et de la forêt du Bercol à l'ouest : un abri visible de loin. C'est un petit édifice à nef unique, voûtée en berceau brisé avec une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. La porte d'entrée, couverte en plein cintre, est ménagée dans un mur goutterot méridional. L'ensemble est bâti en galets, avec appareillage en harpe, en moellons. Nous trouvons scellée dans le sol de la chapelle, au niveau de l'abside, une plaque de marbre qui nous fait penser à un autel de la fin de la période romaine. La pierre a bien les un tiers de la largeur de l'abside et a été incrustée dans le sol ; le rite veut que cette pierre sacrée qui a servi d'autel, ne quitte pas l'église. Mais le 8 octobre 1999, en présence d'experts, la pierre de marbre a été extraite du sol. Il s'agit d'une pierre tombale, caractéristique de par sa forme en biseau pour pouvoir la soulever plus aisément en la basculant sur son axe le plus épais qui lui donne sa robustesse pour ne pas qu'elle casse. Le lit de mortier sur lequel elle se trouve a moins d'un siècle. Deux hypothéses : on se trouve en présence d'une pierre tombale récupérée lors du déplacement du cimetière en 1893 et posée dans la chapelle pour réparer le sol en mauvais état ; ou cette pierre récupérée a servi d'autel dans l'abside pendant des lustres. Le nouveau retable construit en 1600 a été mis par devant, car trop grand pour être dans l'abside. La pierre est restée en place pour servir de table au prêtre. Au déménagement de la chapelle désaffectée en 1913 vers l'église, comme le veut la tradition, cette pierre a été enterrée : deux cas de figure tout aussi valable l'un que l'autre.
Les diverses mentions de la chapelle en 927 confortent sa présence avant 1024, voire même avant 927. Durant le milieu du XIXe siècle, une communauté de moines était établi, de 1854 à 1860, dans la maison des curés à proximité de la chapelle dont ils se servaient pour leurs prières (plan de 1834 ). Il semblerait qu’ils avaient même leur prison, un réduit attenant à leur maison (plan du début du XXe ). Le retable avec le tabernacle de St Etienne qui date du début du XVIIe, ornés de panneaux peints et d'une statue de St Etienne en bois sculpté, peint et doré (classé monument historique depuis le 21 janvier 1980) sont juchés sur un autel du XIXe, restauré lui aussi. L'ensemble est entreposé actuellement à l'entrée de la nouvelle église, ainsi que le bénitier et la Vierge en bois sculptée du XVIIe. Un cadre représentant une peinture de Saint Etienne, aujourd'hui disparu, était suspendu au mur dans la chapelle, face à la porte d'entrée nous racontait Me veuve Vidal née en 1906 (plan du mobilier dans la chapelle ). Une disposition, qui deviendra courante au début du XVIIe siècle, apparaît dans la structure du retable de la chapelle de Saleilles. Deux personnages debout sont peints de chaque côte de la niche centrale : à gauche, saint Mathieu , à droite sainte Claire , patronne du Diocèse ; cependant qu'un panneau situé au-dessus de la niche représente le martyre de Saint Etienne. Sur la prédelle, la Mise au tombeau, la Vierge et un saint indéterminé correspondent aux trois principales divisions ; divers personnages sacrés ornent les socles des colonnes. L'oeuvre surprend par l'extrême variété de son style : la Mise au tombeau est gauche et maladroite, le paysage à l'arrière-plan du panneau de saint Mathieu semble imité de quelque primitif, alors que la gesticulation des acteurs de la lapidation de Saint Etienne s'inspire directement d'exemples fournis par les disciples italiens de Michel Ange.

Le retable de Saint Etienne de Saleilles, démonté le 15 novembre 1986 pour sa restauration, est intéressant à plus d'un titre, surtout parce que le restaurateur chargé de la partie ébénisterie et dorure, a eu au cours de son travail la joie de pouvoir mettre à jour la date disparue de l'ouvrage, daté de 1600 tout rond. Il s'agit d'une oeuvre de la toute première génération des retables "baroques" roussillonnais. Les artistes de l'époque étaient d'ailleurs plutôt des artisans dont le savoir-faire se transmettait de génération en génération à l'intérieur d'une corporation très fermée. A l'aube du XVIIe siècle, ils ne se contentaient plus, des modèles d'art sacré hérités du Moyen Age.

Le petit retable de Saleilles émeut par la simplicité presque naïve de sa conception, malgré l'évident savoir-faire des maîtres ébénistes et peintres qui y ont travaillé. Seul le saint patron de Saleilles, placé au coeur de l'ouvrage entre deux colonnes cannelées passées à la feuille d'or, est traité en ronde-bosse. Les mains du restaurateur l'ont débarrassé de la croûte repeinte de ramages sulpiciens dont l'avaient affublé des artistes plus révérencieux que puristes. Il brille désormais d'une tendre patine, en harmonie avec la dorure ancienne de son jupon. A l'image de saint Etienne, restauré dans son corps glorieux après la lapidation qui lui fut infligée pour l'amour de son Dieu, comme le rappelle la scène peinte au sommet du retable, les colonnes et la partie architecturale de l'ensemble ont retrouvé leur forme et leur lustre initiaux, ce qui ne fut pas facile, car ils étaient dans un état lamentable, les bois ayant été très attaqués par les vers.
Selon les règles de l'art, qui veulent que le premier travail consiste à préserver ce qui peut l'être, le restaurateur a procédé à des décapages contrôlés pour éliminer les couches de peintures superfétatoires rajoutées au fil des siècles. Il a dû, ensuite, désinfecter les bois puis les polymériser dans un bain de résine acrylique avant de pouvoir entreprendre la remise en état du décor, re-sculpter et repasser à la feuille d'or les différents ornements. Après sa remise en place en septembre 1987, ce fût au tour des peintures de subir un rajeunissement. Il fallut refixer la couche picturale sur son support, nettoyer la surface opacifiée par la fumée des cierges, redonner à l'ensemble une couleur plus agréable et moins proche du noir absolu.

L'état civil de la commune est tenu par les églises. Le notre est au XVIIIe siècle à Théza avec, avant 1770, un registre commun pour les deux villages et, après 1770, un registre distinct pour Saleilles, mais c'est le curé de Théza qui continu à desservir la commune jusqu'en 1792. En 1793, à la Révolution, l'état civil sera transféré dans les mairies, donc pour nous à Cabestany. La paroisse de Saleilles dépendra tour à tour de Cabestany, de Saint Nazaire ou de Théza (curés successifs pour les gens de saleilles ). Elle aura à certains moments des curés résidants. Depuis la fusion avec Cabestany, les messes ont cessé à Saleilles où il n'y a jamais eu ni fabrique ni marguilliers. On ne quête que pour les âmes du purgatoire. Ni la commune ni l'état n'a donné un seul centime pour les messes, car il n'y en a pas. Les baptêmes se déroulent à Cabestany. Ce ne sera qu'en 1854, après de nombreuses démarches, que les habitants de la commune retourneront dans leur chapelle. Les messes n'étaient pas régulières. En 1864 la population demande la célébration d'une messe chaque semaine et à partir du 8 aôut 1969 un registre des cérémonies est tenu à la chapelle (registre des cérémonies ). En 1985 une messe est dite en l'église tous les dimanches matin et le mercredi sur demande, cinq classes de catéchisme sont ouvertes.

Au départ des Pères capucins en 1860, la chapelle est en mauvais état et des travaux sont planifiés le 18 septembre par l'architecte diocésain : la reconstruction d'un angle écroulé, le renformissage des murs extérieurs, la construction du campanile (clocheton en briques rouges ), ouvrage sur les murs de clôtures de la facade avant. Mademoiselle Vimort, célibataire et très religieuse, était l'une des principales bienfaitrices de la communauté chrétienne de Saleilles. La demoiselle avait hérité de nombreuses terres de son grand père à Saleilles par sa mère marie Maux. Elle avait à sa disposition du personnel à temps plein qu'elle rémunérait : un granger , une domestique et n'hésitait pas à prendre de la main d'œuvre occasionnelle en rédigeant des lettres contractuelles. Elle fait démolir d'une partie du mur de défense de la chapelle dont les pierres, vendues pour la construction de maisons, serviront en partie au financement des travaux qui sont demandées le 6 août 1861 . Elle entretiendra à partir de cette date la chapelle. Elle fait effectuer d'autres travaux dont la réparation du toit, le crépissage des murs extérieurs, le remplacement de la porte et des ferrures, met un couvercle aux fonts baptismaux. Les bancs sont aussi remplacés : les traces de passage gravées dans le caïllou du sol, montre qu'il n'y avait qu'une seule chaise contre le mur droit. A partir de 1866, il est clairement indiqué qu'il y a 8 rangées de siége dont 5 places côté évangile (à gauche) et 3 places côté épître (à droite). 31 places son affectées par souscription à 31 chefs de famille qui représentent 129 personnes. La demoiselle Vimort fait don du chemin de croix, d'un tapis brodé d'or, des tombeaux du Maître Autel, etc... . La demoiselle Vimort habitait place de la fontaine, sur la route de Villeneuve. Elle avait fait installer une cloche sur la façade de sa maison qui se trouvait à la limite du village. Elle s'en servait comme alarme en cas d'attaque.

La chapelle passera domaine public en 1906, date de la séparation de l'église et de l'état. Un inventaire sera établi (inventaire des biens ) et le plan (disposition du mobilier dans la chapelle ) montre la disposition du mobilier à l'intérieur avant le déménagement. La chapelle portait sur sa façade un cadran solaire. Une gravure de 1860 en atteste et l'on peut voir encore sa trace sur le mur côté sud, au dessus de la porte d'entrée. Le bâtiment été inscrit sur l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 21 juin 1985. La première demande date de 1948. La chapelle a été désaffectée en 1913 après la construction de la nouvelle église et a servi d'entrepôt de matériel. En 1964 les ouvriers qui installèrent le réseau d'égouts s'en servirent comme dépôt de ciment, de matériel et d'outillage. Le conseil municipal de février 1962, à l'unanimité, voulait même la détruire pour construire une salle municipale sur ce terrain et c'est le manque de finances qui sauvera la chapelle . Un plan de restauration fut entrepris et débuta en août 1986 par la réfection du toit, l’enlèvement du crépi, la consolidation et réparation des murs et du clocheton. Sur toute la surface des murs, des trous sont mis en évidence : des branches d'arbre y étaient plantées et elles suportaient les planches sur lequelles les ouvriers travaillaient à élever les murs. Une seconde tranche devrait permettre la réfection de ses abords et l'aménagement du nord la place de la République. En 1995 le mur d'enceinte est consolidé. C'est la quatrième toiture que les murs de la chapelle supportent. La première en ardoise était plus pentue. Pour supporter la seconde en tuiles, les murs ont été rehaussés (les toitures et le cadran solaire ). A la mise en place en 1986 de la quatrième, les gravats de la seconde toiture ont servi de support et ont été trouvés sous la troisième laquelle a été entièrement déposé et mise au sol . La restauration de la chapelle verra son toit refait à neuf et ses murs remis en valeur par un renformissage. Les fortifications sont sur des parcelles appartenant à des particuliers. Ceux ci les ont cédés à la municipalité qui pourra aménager les abords et renforcer le mur de défense. Le 12 juillet 1984 la cloche fut descendue afin d'expertise (expertise de la cloche et photos ), et sera classée au catalogue des mobiliers historiques le 20 novembre 1987. Elle réintégrera sa place dans le clocheton en août 1986.

Les abords de la chapelle ont été inaugurés ce 18 décembre 1998 et marque la fin des travaux extérieurs : le terrain est remis à niveau et les fondations ont été renforcées et protégées par des galets. Du côté nord, un carré de verdure est aménagé entre la chapelle et le mur de défense, un banc de briques rouges et de pierres épouse la courbe de la nef, un espace vert longue le passage piétonnier le long du mur de M. Durant. Du côté sud, le parvis est fait en carré de galets où seul un olivier assurera l'ombre, l'éclairage pour la mise en valeur de la chapelle est enterré et un local technique et des toilettes sont aménagés contre le bâtiment du kiné.


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